Sous une trop forte tension, un élastique se déforme et subit une déformation irréversible. Dans quelle mesure une jonction cellulaire se comporte-t-elle de manière similaire sous stress mécanique ? Cette question est intéressante pour comprendre l’embryogenèse, où la matière vivante composée de cellules subit une série de déformations irréversibles.
Dans une étude récemment publiée, Kenji Nishizawa, Claire Chardès et Pierre-François Lenne ont conçu un système optique pour étirer les jonctions cellulaires in vivo, au cours de l’embryogenèse précoce de la drosophile. L’idée est de diviser un faisceau laser en deux faisceaux, déplacés séparément pour produire deux pièges indépendants. Ces deux pièges optiques sont ensuite utilisés pour soumettre les jonctions cellulaires à une tension ou à une compression. La méthode est non invasive car les forces sont exercées directement sur le matériau endogène de la cellule, contrairement aux méthodes alternatives qui reposent sur l’injection de billes. L’équipe de Lenne a fait appel aux théoriciens Shao-Zhen Lin et Jean-François Rupprecht du CPT, qui ont adapté un modèle mécanique des assemblées cellulaires appelé modèle de vertex. Le modèle a montré que la longueur mesurée de la jonction cellule-cellule ne pouvait s’expliquer que par une combinaison d’élongation visqueuse irréversible et d’activation de Myosine-II lorsque la jonction était soumise à une compression. Cette recherche nous apprend comment les cellules au sein des tissus épithéliaux se déforment et répondent aux forces.
Légende de la figure
Manipulation optique à deux points des contacts intercellulaires dans l’épithélium précoce de l’embryon de la drosophile
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Nishizawa K, Lin SZ, Chardès C, Rupprecht JF, Lenne PF. Two-point optical manipulation reveals mechanosensitive remodeling of cell-cell contacts in vivo. Proc Natl Acad Sci U S A. 2023 Mar 28;120(13):e2212389120. doi: 10.1073/pnas.2212389120. Epub 2023 Mar 22. PMID: 36947511.