Peux-tu nous expliquer ton parcours professionnel et qu'est ce qui t’a motivé à venir travailler à l'IBDM?
J’ai rejoint l’équipe de Thomas Lecuit en 2002 à l’occasion d’un stage d’été pendant ma Licence, pour travailler sur les mécanismes contrôlant la morphogenèse épithéliale dans l’embryon de Drosophile. J’y suis restée jusqu’en 2009, après avoir défendu ma thèse ! Je suis ensuite partie en post-doc à New York dans l’équipe de Claude Desplan à NYU pour étudier les mécanismes générant la diversité neuronale dans les lobes optiques de la Drosophile. Après notre post-doc, nous avons décidé avec mon conjoint de rentrer en France et l’IBDM était l’institut qui nous motivait le plus en termes de thématique et d’ambiance de travail. Ne voulant pas diriger une équipe, j’ai donc décidé de découvrir un nouvel organisme modèle/thématique. C’est ainsi que j’ai rejoint l’équipe de Pascale Durbec en tant que chercheur CNRS en 2016, pour étudier les changements de destins cellulaires contribuant à la réparation de la myéline dans le cerveau de la souris. Depuis 2018 je travaille à nouveau dans l’équipe de Thomas Lecuit.
Quel résultat scientifique t'a particulièrement satisfait et pourquoi ?
Pendant mon post-doc nous cherchions à comprendre l’origine de la diversité des neurones des lobes optiques de la Drosophile. Notre hypothèse privilégiée était que les précurseurs de ces neurones exprimaient une série de facteurs de transcription qui définissaient des fenêtres temporelles, au cours desquelles des sous-types spécifiques de neurones étaient générés.
Afin de tester cette hypothèse et d’identifier ces facteurs, avec deux autres post doc de l’équipe, nous avons réuni tous les anticorps dirigés contre les facteurs de transcription de la Drosophile disponibles dans le laboratoire et les instituts voisins. Nous avons réalisé des centaines de marquages! Cette approche à l’aveugle un peu brutale s’est avérée payante: nous avons pu identifier 5 facteurs exprimés séquentiellement dans les précurseurs et démontrer que ces derniers étaient bien à l’origine de la génération de la diversité neuronale dans les lobes optiques. Nous n’avions pas anticipé que cela fonctionnerait aussi bien et ce fut une grande satisfaction 🙂
Sur quoi es-tu en train de bosser en ce moment ?
En ce moment j’essaye de comprendre comment la forme unique de chaque sous-type de neurone est générée au cours du développement. C’est un travail collaboratif entre des biologistes, des physiciens et des mathématiciens.
Nous avons développé des approches nous permettant de filmer la morphogénèse de deux sous-types de neurones mécanosenseurs in vivo dans des embryons de Drosophile et, à partir de ces films, d’extraire/mesurer les paramètres dynamiques de croissance de leurs arborisations (vitesse d’extension et de rétraction des branches, taux de branchement, probabilité de passer d’extension à rétraction etc…). En analysant et en comparant ces paramètres, nous avons deux objectifs: (i) définir des règles de croissance pour chacun de ces sous-types et (ii) déterminer comment le patrimoine génétique et l’environnement de ces neurones influencent ces règles.
Qu'est ce que tu aimes le plus dans ton travail ? le moins ?
J’aime la réflexion, les interactions avec mes collègues et la liberté intellectuelle que procure ce travail. Le fait que l’on ne cesse d’apprendre et de découvrir de nouvelles choses. Ce que j’aime le moins est le fait qu’il faille souvent être trèeeees patient et ce n’est pas trop mon fort.
Si tu devais adopter une devise pour guider ta carrière, laquelle choisirais-tu ?
Ne pas hésiter à se fixer de nouveaux challenges et à s’amuser.
Si tu devais associer ton métier à un genre cinématographique, tel que l'horreur, la comédie, le drame, etc., ainsi qu'à un film spécifique (exemple : Frankenstein), lequel choisirais-tu et pourquoi ?
Je dirais qu’on passe à peu près par tous les genres en fonction des jours et des étapes de notre carrière.
Quelle est la découverte scientifique récente qui te passionne le plus et pourquoi ?
Ce n’est pas hyper récent mais j’ai dernièrement lu que certaines plantes carnivores savent compter jusqu’à 5. Ces dernières sont munies de poils mécanosenseurs qui émettent un potentiel d’action quand on les touche. La plante sait “compter” ces potentiels, ce qui lui permet de se refermer au bon moment sur sa proie et de sécréter des enzymes lui permettant de la digérer. Je trouve intéressant le fait que ces plantes n’aient pas de système nerveux à proprement parler, mais qu’elles aient développé des stratégies similaires.
Il y a aussi les zombie spiders qui sont reprogrammés par des guêpes parasites pour tisser une toile qui formera un cocon afin que leurs larves puissent grandir et…manger l’araignée! Mais ça, ça m’effraie plus que ça ne me passionne.
Si tu devais choisir un superpouvoir basé sur un phénomène scientifique, lequel choisirais-tu et comment l'utiliserais-tu ?
La capacité à réparer et régénérer mes cellules abîmées à l’infini pour vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Il y a tant de choses à explorer… Si je pouvais combiner ça à des doigts qui ressemblent à des pattes de Gecko je pourrais en plus gravir sans soucis les plus belles falaises du monde ^^
Si tu étais un outil de laboratoire, lequel serais-tu ?
Un microscope pour voir l’infiniment petit.
Quels sont tes loisirs ou passe-temps préférés ?
Être perchée sur des falaises au-dessus de l’eau ou à la montagne ! Plus largement être dans la nature et passer du temps avec mes enfants et mes amis.